La Pointe de la Terrasse (2881m) est l’un des plus hauts sommets du Beaufortain (après le Roignais et l’Aiguille du Grand Fond). Son ascension procure des sensations de haute montagne, elle se déroule dans une ambiance austère, minérale.
Départ: Cormet de Roselend. Jusqu’au Passeur de Pralognan l’itinéraire suivi est le même que pour la randonnée Combe de la Neuva / Passeur de Pralognan / Col de la Nova.
Difficultés: il s’agit d’une rando difficile, en tous cas difficile à situer. Un randonneur expérimenté ne verra peut être pas de problème, par bonnes conditions un randonneur inexpérimenté non plus, tout le problème est là. Il est vrai que lorsque le temps est beau, que tous les névés ont fondu il suffit de mettre un pied devant l’autre, …seulement voila, pas n’importe comment. Les pentes sont raides, il faut franchir 2 passages impressionnants et relativement exposés, l’un au milieu des dalles de schiste, l’autre sur l’arête terminale, sous le sommet. Le sentier est peu marqué, s’en écarter c’est courir le risque de se retrouver rapidement en mauvaise posture.
Quand? Assez tard dans la saison pour que toute la neige ait fondu. Un névé à franchir, surtout un névé gelé, voila qui change tout. Dans ce cas il n’est plus question de randonnée, si l’on n’a pas prévu crampons et piolet il faut faire demi-tour. Si l’on veut une rando tranquille éviter la période du trail « sur les Traces des Ducs de Savoie » (ou TDS) qui a lieu peu avant fin août (en 2014 les 27 et 28 août).
Durée: une demi journée. Le départ à 1967m facilite les choses.
Carte: pour voir tout de suite: carte Google, pour emporter: IGN 25000ème, 3532OT.
Ressources:
– un reportage avec beaucoup de photos
– géologie sur Geol-Alp
Photos prises le 31 août 2014.
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Du Cormet de Roselend au Passeur de Pralognan.
Au départ il suffit de prendre le chemin qui part du parking du Cormet et se dirige vers la Combe de la Neuva. Après avoir contourné une petite butte, il devient horizontal. C’est parfait pour un échauffement matinal.
Le soleil du matin met en évidence d’étonnants reliefs sur le versant opposé, dans les alpages qui dominent la route du Cormet de Roselend. Il s’agit des creux (cruex) qui permettaient d’installer les vaches de manière pas trop inconfortable pour passer la nuit en pleine pente, attachées au pachon, un solide bâton fiché en terre. La traite était effectuée au même endroit.
Les gros blocs de béton sont des vestiges d’un autre genre, ils témoignent d’un projet abandonné, celui d’un tronçon de la Route des Grandes Alpes qui aurait relié Les Contamines Montjoie aux Chapieux par le Col du Bonhomme, principalement pour favoriser le tourisme automobile (1). Finalement on s’est contenté de la route du Cormet de Roselend. Un beau gâchis a été évité de justesse.
Un peu plus loin de tranquilles marmottes prennent le soleil sur un rocher en contrebas du chemin.
A l’entrée de la Combe de la Neuva, au niveau de la prise d’eau, il faut passer sur l’autre rive du torrent. Le passage se fait à gué, mais en fin de saison il ne présente la plupart du temps aucune difficulté.
La montée en direction du passeur commence au milieu des pâturages, dans l’ombre de la Pointe de Pralognan. Le sentier ne figure pas sur la carte IGN. Il est pourtant bien balisé et facile à suivre.
Une série de mares, ou de petits lacs, très décoratifs.
Bientôt le passeur est en vue. Vu de là il n’a rien d’impressionnant.
La pente devient de plus en plus raide et on se retrouve dans l’ombre.
On quitte le monde des alpages, on se retrouve bientôt au milieu des rochers. A la fin le passeur est tout de même très raide, mais le sentier est bien formé. Il peut être utile de s’aider des mains par endroits, mais si peu. Lorsque la neige a disparu, lorsque le terrain est à peu près sec, le franchissement du col ne demande rien de plus qu’un peu de prudence.
Les coureurs de la TDS sont passés ici dans la nuit de mercredi à jeudi, il ne reste pas un déchet, pas un fanion, pas une trace de balisage. Chapeau bas!
Du Passeur de Pralognan à la Pointe de la Terrasse.
Arrivée au Passeur, où l’on retrouve le soleil.
Autre versant, autre monde. C’est une 2ème partie de la randonnée qui commence. D’après les indications il faut une heure pour gagner le sommet. Il n’y a plus de balisage.
Les premiers pas se font sur un beau sentier, de nouveau au milieu des pâturages. On est tout de même à plus de 2500m, ça ne va pas durer (clic sur la photo pour mieux voir).
De minuscules gentianes, peut être des gentianes des neiges.
Droit devant, une vaste pente d’ardoises sombres, sorte de terril qu’il va falloir traverser en diagonale. Elle annonce la couleur, la suite de la ballade se déroule dans un monde rocheux, à dominante grise.
Au début tout va bien. Le sentier est facile à suivre, il est assez stable bien qu’il traverse des éboulis de schistes. Plus loin, au milieu du désert gris, là où le schiste n’est pas recouvert d’éboulis, il a une fâcheuse tendance à disparaitre, l’adhérence devient plus faible, j’ai parfois le sentiment d’être dans une situation périlleuse au dessus d’une vaste pente glissante.
Puis la pente devient plus importante.
Je retrouve le même type d’ambiance que dans la Brèche de Parozan, que l’on aperçoit au loin.
Quelques fleurs discrètes, minuscules et précieuses, s’épanouissent dans cet écrin couleur ardoise. Au dessus de 2500m il n’y a que 2 saisons: l’une est l’hiver, l’autre est à la fois le printemps et l’été. Dès qu’il y a un peu de soleil et de chaleur les plantes se hâtent de produire fleurs et graines.
Une renoncule des glaciers rose? En principe cette dernière est plutôt blanche, mais ici elle a pris des couleurs, peut être parce qu’elle a subit plusieurs gels ces derniers jours.
Linaire alpine![]() |
Saxifrage sillonnée![]() |
Renoncule des glaciers![]() |
(identifications botaniques sans garanties, grâce à l’excellent site FloreAlpes).
Arrivée à un petit col, situé entre la pointe cotée 2844m sur la carte et le sommet.
Vue sur les Chapieux et le Mont Blanc, enfin en principe, en ce moment il est entièrement masqué par les nuages.
Passage sur le versant nord. Une petite descente de quelques mètres est nécessaire pour prendre pied sur les pentes d’éboulis qui conduisent au sommet. Le passage est exposé, pas vraiment difficile, mais situé au dessus de 700m de falaise. Ce n’est pas le moment de faire une glissade.
Il est plus rassurant de regarder vers le haut. Le sentier, peu marqué par endroit et instable, revient vers l’arête, débouche sur une large et confortable épaule, puis revient dans la face nord pour une dernière grimpée vers le sommet.
Au total il n’y a qu’une centaine de mètres de dénivelé à grimper de ce côté, mais je cherche parfois le sentier. Faites quelques cairns!
Du sommet la vue est évidemment panoramique. A l’ouest la Combe de la Neuva est dominée par l’Aiguille du Grand Fond, monumentale.
A l’est les brumes laissent entrevoir les lacets de la route du Petit Saint Bernard.
En principe le Mont Blanc est là juste en face, au nord. Mais il est caché par les brumes.
Retour par le même chemin.
La vue ne se dégage pas, dommage. Je descends prudemment.
J’ai la chance d’apercevoir des bouquetins qui pointent leur nez sur l’arête. On les trouve parfois à proximité du Passeur, mais quelques jours après le passage de la TDS ils ont sans doute éprouvé le besoin de se réfugier loin de la foule.
De retour sur le versant ouest.
Les pentes sont plus vertigineuses à la descente. On a le vide sous les yeux en permanence…
Loin en bas des pentes un groupe de moutons s’est aventuré au milieu des éboulis de schistes.
Bientôt je retrouve les pâturages et la couleur. Un superbe parterre de gentianes champêtres, dont le bleu mauve se distingue facilement du bleu tonitruant habituel aux gentianes, rappelle que l’été tire à sa fin.
Au Passeur, plongée dans la Combe de la Neuva. Pour éviter une descente pénible, il faut juste prendre son temps. (Oui, je sais, les coureurs de la TDS passent ici en courant, de nuit, à la frontale. Mais ils postulent au titre de super héros d’un ultra trail, ça n’a rien à voir avec la randonnée.)
Le Mont Blanc n’est toujours pas dégagé.
Le ballet des parapentes au Cormet de Roselend. Au loin la Pointe de la Terrasse. Belle journée.
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(1) Onde Henri. L’équipement touristique de la Savoie vers l’achèvement de la route des Alpes. L’ouverture de l’Iseran (2 770 m.). In: Revue de géographie alpine. 1934, Tome 22 N°1. pp. 237-249.
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